May 12, 2024
Vous savez peut-ĂȘtre que jâai une formation en thĂ©ologie. Jâai Ă©galement fait un bref passage (Ă lâadolescence) dans un groupe fondamentaliste chrĂ©tien et depuis, je mâintĂ©resse aux « sectes », aux religions et aux organisations Ă forte demande. Je pense que mon expĂ©rience dans le groupe fondamentaliste mâa fait prendre conscience de la façon dont notre environnement façonne nos esprits, nos convictions, nos sentiments, etc. Donc si vous vouliez une explication psychologique de la raison pour laquelle je trouve le constructionnisme social attrayant, la voici đ.
Maintenant, le coaching est-il une secte ? Voici quelques critÚres qui définissent une secte :
- Elle exige une dĂ©votion inĂ©branlable Ă un ensemble de croyances et lâacceptation de « clichĂ©s qui bloquent la pensĂ©e ».
- La pensĂ©e critique nâest pas la bienvenue et est considĂ©rĂ©e comme de lâapostasie.
- Une secte contrĂŽle ses membres de maniĂšre coercitive (via lâargent (MLM), la honte (de nombreuses religions), la peur de lâexclusion/du rejet (religions), la peur de la persĂ©cution (scientologie).
- Il y a souvent un « lovebombing » initial â gentillesse, soutien et acceptation pour les nouvelles personnes.
- Il existe une mentalité « nous contre eux » qui vise à séparer le membre de son systÚme de soutien extérieur.
Lorsque je compare cette liste Ă la « coachosphĂšre » telle que je la vis dans mes communautĂ©s EMCC et ICF, certains critĂšres me mettent mal Ă lâaise.
ClichĂ©s qui arrĂȘtent la pensĂ©e
Dans le coaching, je rencontre de nombreux « clichĂ©s qui arrĂȘtent la pensĂ©e ». Ce sont des phrases qui sont acceptĂ©es comme vraies et toute pensĂ©e sâarrĂȘte lorsquâelles ont Ă©tĂ© prononcĂ©es. De nombreux recoins de la coachosphĂšre en ont et il nâexiste pas de dialogue solide entre les diffĂ©rents recoins. Les exemples qui me viennent Ă lâesprit sont : « processus parallĂšles dans la supervision », « pas dâinterruptions par le coach lors dâune sĂ©ance », « niveaux de conscience / dĂ©veloppement du client », « cerveau droit / cerveau gauche », « compĂ©tences de base du coaching », « diagnostics de personnalitĂ© », « styles dâapprentissage » et bien dâautres. Ces clichĂ©s sont rarement examinĂ©s et discutĂ©s (et je les considĂšre personnellement tous comme problĂ©matiques).
Dans « De la vérité et du mensonge dans un sens non moral », Friedrich Nietzsche soutient que la « vérité » est :
« Une armĂ©e mobile de mĂ©taphores, de mĂ©tonymies et dâanthropomorphismes â en bref, une somme de relations humaines qui ont Ă©tĂ© amĂ©liorĂ©es, transposĂ©es et embellies poĂ©tiquement et rhĂ©toriquement, et qui aprĂšs un long usage semblent fermes, canoniques et obligatoires pour un peuple : les vĂ©ritĂ©s sont des illusions dont on a oubliĂ© quâelles sont lĂ ; des mĂ©taphores usĂ©es et sans pouvoir sensuel ; des piĂšces qui ont perdu leur image et qui ne comptent plus que comme du mĂ©tal, et non plus comme des piĂšces de monnaie. »
Ces choses sont malheureusement abondantes dans le monde du coaching.
Manque de pensée critique et de discours
Les coachs sont des ĂȘtres humains sympathiques qui sâefforcent de vivre en harmonie avec les autres et croient que chaque ĂȘtre humain a droit Ă ses opinions. Cette « gentillesse » est souvent confondue avec une acceptation sans critique de ce que pense lâautre personne. Les questions difficiles sont rarement posĂ©es lors de rĂ©unions ou de confĂ©rences. Les dĂ©bats ont rarement lieu.
Je pense que les coachs doivent se contredire pour que la profession de coach se dĂ©veloppe. Nous avons besoin de lâexpression de la riche diversitĂ© du coaching sans peur ni favoritisme et dâun Ă©change de points de vue critique. Il nâest pas nĂ©cessaire de blesser dĂ©libĂ©rĂ©ment les sentiments de quelquâun, mais il est lĂ©gitime de poser des questions telles que : « Lorsque vous dĂ©clarez quâun coach ne doit jamais interrompre un client, nâexcluez-vous pas toutes les communautĂ©s linguistiques dans lesquelles des interruptions frĂ©quentes sont un signe dâĂ©coute ? » ou  « Savez-vous que « cerveau gauche / cerveau droit » nâest plus une mĂ©taphore utilisĂ©e par les neuroscientifiques ? »
ContrĂŽle coercitif
Non, je nâai vu aucun contrĂŽle coercitif dans le monde du coaching. Cependant, si vous nâĂȘtes pas dâaccord avec certains des « clichĂ©s qui empĂȘchent de penser », vous ferez face Ă des consĂ©quences qui pourraient vous empĂȘcher dâexercer votre profession. Disons que vous ne croyez pas que les compĂ©tences de base de lâICF sont des mesures valables de la qualitĂ© dâun coach. Si vous voulez travailler pour lâune des principales plateformes de coaching, vous avez besoin dâune certification ICF. Vous devez donc choisir entre les accepter et coacher en consĂ©quence, passer un test douteux, payer beaucoup dâargent, obtenir une certification ou ne pas travailler pour ces prestataires. Lorsque jâai postulĂ© pour un poste au conseil dâadministration mondial de lâICF, on mâa demandĂ© de remplir un profil de personnalitĂ© Hogan â je nâavais absolument aucune marge de manĆuvre pour remettre en question la validitĂ© de ces profils (et jâai beaucoup de questions).
« Nous » contre « eux »
Le coaching « nous contre eux » est trĂšs cachĂ© et se prĂ©sente sous la forme du « problĂšme des charlatans ». C'est « nous », les coachs de qualitĂ© contre « ces charlatans ». Les coachs de qualitĂ© se reconnaissent Ă leur adhĂ©sion aux compĂ©tences de base. Hm - vraiment ? De nombreuses autres formes de coaching « fonctionnent » Ă©galement tant que le coach et le client font partie de la mĂȘme communautĂ© et partagent le mĂȘme ensemble de croyances.
Ne vous mĂ©prenez pas, j'aime le coaching et les coachs. J'aime ĂȘtre avec mes collĂšgues coachs ICF et EMCC et je les apprĂ©cie. Je constate une dynamique inutile et j'aimerais contribuer Ă un dialogue plus ouvert sur les fondements de ce que nous faisons. Ces discours se dĂ©roulent principalement dans les universitĂ©s qui (pour une raison quelconque) n'influencent pas les discussions au sein des organisations professionnelles. J'aimerais aussi que de vĂ©ritables recherches, des recherches qui explicitent les Ă©pistĂ©mologies et rendent les mĂ©thodologies disponibles pour la critique, puissent avoir plus d'influence sur la profession.
DĂ©solĂ© pour ce long discours ! Si vous voulez discuter, me jeter des Ćufs et des tomates, rejoignez-moi pour une rencontre et un Ă©change gratuits.
Références : https://jpcatholic.edu/NCUpdf/Nietzsche.pdf
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